Contributions financières aux équipements et infrastructures municipales

Une nouvelle source de financement pour un développement raisonnable (Dans «2021-2022, Compilation, Projets novateurs en urbanisme, RU, Relève en urbanisme»

Depuis 2012, les municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) possédant une infrastructure de transport en commun structurante sont devenues des territoires de densification et de forte croissance. Ce développement soutenu exerce une pression supplémentaire sur les réseaux, les infrastructures et les services publics. En effet, ces phénomènes de croissance engendrent des dépenses de plus en plus difficiles à supporter, puisque la capacité des municipalités à générer des revenus était encore, jusqu’à tout récemment, limitée à la taxe foncière et aux transferts gouvernementaux. Depuis 2016, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (art. 145.21) autorise les municipalités à adopter un règlement permettant d’assujettir certains projets de développement à une contribution financière en lien avec l’ajout, l’agrandissement ou la modification des infrastructures et équipements municipaux requis. En 2020, la Ville de Mascouche s’est prémunie de ces nouveaux pouvoirs en adoptant un règlement sur les contributions aux infrastructures et équipements municipaux, afin de financer la croissance de son territoire et, ainsi, assujettir l’ensemble des opérations de développement ou de redéveloppement. 

En collaboration avec la firme Brodeur Frenette, la Ville a élaboré une méthode de calcul unique pour moduler la contribution spécifique à exiger pour chaque projet. Se basant sur une prévision du développement résidentiel futur sur le territoire et de son impact sur les infrastructures en anticipant les investissements à réaliser dans les prochaines années, cette méthodologie de calcul à plusieurs paliers de frais de contribution tend à récompenser les bonnes pratiques (par exemple : le niveau de certification environnementale, la présence d’espaces commerciaux de proximité au rez-de-chaussée, le stationnement souterrain, etc.) et la planification de projets de redéveloppement dans les secteurs centraux préalablement desservis. Cette modulation vise à établir une contribution conséquente aux impacts sur les coûts des infrastructures et équipements municipaux générés directement par le projet ou ses futurs résidents. Celle-ci a également pour but d’inciter les promoteurs immobiliers à proposer des développements alignés sur les intérêts collectifs et les priorités de la Ville. Somme toute, cette approche accroîtra l’acceptabilité sociale du règlement, mais aussi des projets de développement et de densification, puisque ses bases objectives et prévisibles favorisent un développement immobilier harmonisé et durable. 

Le comité de sélection a particulièrement apprécié la mise en application concrète d’un nouveau levier financier permis par la LAU. En effet, cette démarche suscite une réflexion très intéressante sur les impacts à court et à long terme d’un développement. En plus de limiter certains effets pervers de la densification urbaine, ce projet propose un mécanisme incitatif, normatif et prévisible quant aux attentes de la municipalité face à certaines approches de construction. Il inspirera assurément d’autres administrations à se doter d’un cadre réglementaire entourant la densification, afin que celle-ci soit adaptée au contexte et réponde réellement aux besoins présents et futurs de la communauté tout en répartissant les coûts équitablement.

Défis, retombées et enseignements – complément d’informations à la Compilation 2021-2022

Parmi les défis mentionnons, la perception des élus et citoyens que la valeur importante des contributions financières exigées au promoteur pouvait avoir un impact sur le développement économique de la Ville et constituer un frein à la croissance du nombre de permis de construction résidentielle émis.  Pour dépasser cette perception, le règlement a été présenté comme une façon plus réfléchie de développer le territoire et de refléter le juste prix du développement.  À cet effet, l’emphase a été notamment mise sur les éléments suivants :

  • les montants fixés par le règlement représentent uniquement les sommes nécessaires à la réalisation des plans directeurs et PTI ;
  • les sommes qui ne sont pas chargées en amont du développement devront l’être en aval ;
  • le règlement permet de créer une mécanique qui réduit les sommes devant être éventuellement empruntées et ajoutées au compte de taxes des citoyens ;
  • le règlement peut évoluer et être ajusté au fils des années suivant les constats faits.

En créant davantage de certitude et de prévisibilité, la municipalité vise à réduire le niveau de risque pour les développeurs et les propriétaires – une stratégie souvent gagnante pour favoriser le développement immobilier et diminuer les contestations possibles des usagers.

Urbaniste(s) impliqué(s) et autres ressource

Philippe Despins, Chef division, Ville de Mascouche,  urbaniste # 1801

Partenaires

Brodeur Frenette / Marc-Olivier Deschamps, urbaniste / modeschamps@brodeurfrenette.ca

Guide de conception pour un développement urbain durable?

Guide de conception pour un développement urbain durable

Contexte et démarche (mandat réalisé du printemps 2021à l’automne 2021)

À la suite d’une réflexion entamée dès 2008 sur l’avenir d’un secteur stratégique appelé à devenir son centre-ville ainsi qu’à l’adoption en 2020 d’un programme particulier d’urbanisme (PPU) pour ce même secteur, la Ville de Carignan a entrepris une démarche de planification d’un quartier durable.

Le guide adopté en octobre 2021, qui en a résulté, met de l’avant les meilleures pratiques de durabilité, notamment en vue de développements urbains à faible empreinte écologique. Il s’adresse particulièrement aux acteurs du développement immobilier et permettra à la Ville d’orienter concrètement les opérations immobilières projetées sur son territoire. L’objectif de la Ville de Carignan est de faire de son centre-ville un éco-quartier, malgré une localisation suburbaine en deuxième couronne de Montréal, et ainsi donner l’exemple aux villes et municipalités aux enjeux semblables souhaitant s’inspirer des bonnes pratiques d’aménagements durables souvent réalisées en milieu urbain.

Plusieurs échanges et recherches ont mené à la réalisation du guide, notamment :

  • convenir d’une définition d’un éco-quartier adapté aux réalités des villes suburbaines composé de trois piliers : un éco-quartier doit offrir un milieu de vie complet, assurer la santé et le bien-être des écosystèmes et limiter l’empreinte carbone de ses construction et installations.
  • rechercher et consolider  les  meilleures pratiques de conception d’éco-quartiers relativement aux piliers définis dont la réalisation de développements urbains durables sobres en carbone au Canada et à l’étranger ;
  • rencontre les différents services de la Ville afin de comprendre les contraintes à la mise en place de telles pratiques et ainsi permettre de définir les lignes directrices ;

Le guide de conception est le fruit d’un étroit travail collaboratif entre les professionnels de la Ville et l’équipe de L’Atelier Urbain.

Description

Le guide se compose de cinq sections :

  • présentation du contexte urbain et de la planification de Carignan ;
  • vision s’appuyant sur trois piliers : milieu de vie complet, santé environnementale et empreinte carbone ;
  • meilleures pratiques et lignes directrices (5 par pilier) devant guider l’aménagement de nouveaux milieux urbains, notamment le secteur central ;
  • description et schématisation du processus d’approbation réglementaire des projets immobiliers ;
  • grille d’autoévaluation des projets pour les promoteurs immobiliers.

La démarche et le contexte du mandat ont contribué à approfondir la réflexion sur la création d’un éco-quartier en contexte suburbain au Québec et à repousser les limites auxquelles certaines villes québécoises se sont butées jusqu’à maintenant. De plus, le guide est un outil de vulgarisation et d’information pour les développeurs ainsi qu’une feuille de route pour des ajustements réglementaires et la planification des aménagements publics.

Défis, retombées et enseignements

Parmi les défis mentionnons :

  • le court délai de réalisation à la veille des élections municipales et la limite des pouvoirs municipaux ;
  • l’absence de centralité locale vers laquelle diriger la croissance urbaine ;
  • la localisation de la ville en deuxième couronne de l’agglomération métropolitaine impliquant des déplacements de transit et une forte dépendance à l’automobile ;
  • la planification et la desserte de transport collectif par des partenaires (ARTM, EXO) ;
  • enfin, le défi de dégager un équilibre entre les meilleures pratiques en matière d’éco-quartiers, ce qui est réaliste dans le contexte immobilier et ce qui suscitera l’adhésion de la population et du conseil municipal.

Parmi les bénéfices de cet outil pour la Ville de Carignan, mentionnons :

  • une meilleure compréhension des attentes de la Ville par rapport aux développeurs ;
  • un guide afin d’améliorer sa réglementation et ses outils d’urbanisme ;
  • l’élaboration de conditions pour les ententes sur les travaux municipaux ;
  • une prévision améliorée pour les aménagements et équipements ainsi que l’évaluation d’incitatifs municipaux ;
  • l’appui à la construction potentielle d’une nouvelle centralité urbaine exemplaire.

Malgré les problématiques rencontrées, le guide permet un avancement de la réflexion sur les éco-quartiers au Québec. Bien que les lignes directrices aient été déterminées de manière à être appropriées au contexte de la Ville de Carignan, bon nombre de celles-ci sont pertinentes pour d’autres milieux suburbains, voire même certains milieux urbains.

Afin de garantir la pérennité des actions porteuses de transition écologique et de résilience, le guide et les documents ont été produits afin qu’ils soient intelligibles par les professionnels en urbanisme et qu’un transfert de connaissances sur les meilleures pratiques soit fait lors de l’accompagnement des clients pour les autonomiser.

Urbanistes impliqués

  • Louis Mazerolle (#1601), L‘Atelier Urbain
  • Charlotte Bodnar (#1889), L‘Atelier Urbain
  • Andréanne Baribeau (#1466), Ville de Carignan

Professionnel.le en aménagement impliqué.e

Pierre-Olivier Robitaille, B.Sc. Urbanisme Université de Montréal

 

Organisation ayant mené le projet

Étude réalisée par L’Atelier Urbain pour la Ville de Carignan

Partenaires

L’Atelier Urbain
Ville de Carignan

Documents

 

Guide des bonnes pratiques et grille d’évaluation des projets en aménagement?

Guide des bonnes pratiques et grille d’évaluation des projets en aménagement

Contexte et démarche (projet réalisé de novembre 2020 à mars 2021)

Réputée pour son cadre de vie, ses paysages, son architecture distinctive et son dynamisme touristique, la ville de Saint-Sauveur subit depuis quelques années des pressions importantes pour le développement immobilier alors que son périmètre urbain est presque entièrement urbanisé. Dans ce contexte, elle accueille de plus en plus de projets de requalification et de consolidation du tissu urbain existant dont l’intégration ne s’avère pas toujours facile.

Afin de mieux encadrer la qualité des projets et de préserver le caractère naturel de la municipalité, la Ville de Saint-Sauveur s’est ainsi dotée, avec la collaboration de la firme AECOM, d’un «Guide des bonnes pratiques» accompagné d’une grille d’évaluation des projets ciblés en architecture et en urbanisme.  La majorité des types des projets de nouvelle construction, les projets majeurs de développement et les demandes de modification aux règlements d’urbanisme impliquant la construction ou la modification d’un bâtiment principal sont maintenant assujettis au Guide et à sa grille d’évaluation faisant maintenant partie intégrante de la réglementation municipale sur les Plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA).

En vue de l’élaboration du Guide, une démarche consultative et participative a été retenue. La tenue de trois ateliers virtuels fut l’occasion d’informer, cadres, élus, organismes, promoteurs, ainsi que l’ensemble de la population locale sur la démarche ainsi que de recueillir leur vision, leurs attentes et commentaires sur les propositions préliminaires.  

Description

La grille d’évaluation des projets en architecture et en urbanisme est divisée en trois thématiques obligatoires : (1) l’intégration urbaine, (2) l’aménagement des terrains et l’environnement, ainsi que (3) l’architecture et l’efficacité énergétique. Chaque thématique se décline en différents critères d’évaluation associés à un pointage, pour un total de 39 critères.

À titre illustratif, exemples des critères pour les 3 thématiques retenues :

Intégration

  • Empreinte des projets au sol, localisation relative, hauteur, intégration par rapport aux bâtiments voisins
  • Dimensions des lots, niveaux des rez-de-chaussée, mixité verticale des usages
  • Pollution lumineuse

Aménagement des terrains et environnement

  • Conservation des arbres existants, remplacement des arbres abattus
  • Protection des bandes riveraines et des milieux humides
  • Gestion durable des eaux pluviales, récupération des eaux de pluie
  • Espaces verts, mise en valeur de paysages, limitation des îlots de chaleur
  • Minimisation de l’empreinte des stationnements
  • Promotion des transports actifs

Architecture et efficacité énergétique

  • Accessibilité universelle, typologies de logement, variété architecturale des projets
  • Chambres à coucher pour les familles, intégration d’espaces habitables
  • Intégration de matériaux de revêtement extérieur durables
  • Consommation d’énergie

Lors du traitement de la demande de permis ou de certificat associée à un projet, la Ville accorde une note à chacun des critères applicables, une note pour chaque thématique et une note totale. Pour qu’un projet puisse être approuvé, une note de passage minimale de 40 % doit être atteinte dans chacune des thématiques ainsi qu’une note finale d’au moins 50 %.

Afin d’offrir une flexibilité dans les choix de conception, il n’y a pas obligation de respecter chacun des critères; l’important est d’atteindre les notes minimales.  D’autres avenues sont prévues pour des cas particuliers dont l’utilisation d’une quatrième thématique optionnelle optionnelle (logements abordables, majoration volontaire des frais de parcs, etc.).

Une fois le projet accepté, la Ville peut effectuer des inspections et des suivis afin de s’assurer du respect des critères notés. Ce nouvel outil présente l’avantage d’offrir des alternatives pour rehausser la qualité ou la durabilité des projets alors que les potentiels et contraintes urbanistiques varient grandement d’un site à l’autre. Il importe toutefois de préciser que le promoteur n’est pas exempté de ses obligations de respecter les critères déjà inclus au PIIA depuis plusieurs années.  Le Guide et sa grille viennent s’ajouter aux normes discrétionnaires existantes permettant un rehaussement des exigences d’intégration urbaine et de durabilité tout en laissant une certaine latitude aux promoteurs.

Défis, retombées et enseignements

Un des défis relevé concerne l’atteinte d’un consensus sur les objectifs recherchés et les conditions idéales pour l’atteinte des notes de passage par un projet. À titre d’exemple, pour la densité, notion particulièrement sensible, il fut nécessaire de trouver, dans le choix et la formulation des critères, des façons de favoriser l’atteinte de certaines cibles de densités bâties tout en minimisant les densités perçues.

Par ailleurs, l’on a porté une attention particulière à certains objectifs plus faciles à atteindre pour les grands promoteurs immobiliers que pour les particuliers afin d’éviter de pénaliser certains types de projets de façon indue. De même, la grille d’évaluation vise à préserver l’abordabilité, de façon à maintenir l’accès à des logements de qualité pour tous.

Dans le but de favoriser une clarté dans leur interprétation, les différents critères ont été rédigés de la façon la plus neutre possible et la grille testée maintes fois sur différents types de projets, qu’ils soient fictifs ou réels.  Comme l’entrée en vigueur du Guide et de sa grille d’évaluation n’est effective que depuis septembre 2021, il est encore tôt pour évaluer leur impact sur l’aménagement du territoire, mais les résultats constatés à ce jour sont positifs et concrets.

Le projet constitue un geste important de la Ville de Saint-Sauveur vers une transition écologique et sociale en raison de l’intégration de critères ambitieux allant au-delà des normes habituelles. Quelques exemples de mesures donnant accès à un maximum de points :

  • bandes de protection des rives d’au moins 50 mètres;
  • aires vertes aménagées additionnelles équivalentes à au moins 20 % du terrain ;
  • matériaux perméables dans l’ensemble des aires de stationnement;
  • accessibilité universelle de l’entièreté des espaces intérieurs des bâtiments;
  • adhésion à un programme reconnu permettant l’atteinte de hauts rendements énergétiques et environnementaux (LEED, etc.).

Urbanistes impliqués

  • Maude Gascon, urbaniste (# 1369), chargée de projet, AECOM
  • Nicolas Meilleur, urbaniste # 1378), directeur du Service de l’urbanisme, Ville de Saint-Sauveur
  • Patricia Debel, urbaniste (#1511), AECOM
  • Jonathan Chevrier, urbaniste (# 1613), directeur adjoint au Service de l’urbanisme, Ville de Saint-Sauveur
  • Tristan Gagnon, urbaniste (#1700) et designer urbain, AECOM
  • Laurence B. Dubé, urbaniste (# 1749), technicienne en urbanisme, Ville de Saint-Sauveur

Professionnel.le en aménagement impliqué.e

Claudia Gbetholancy, spécialiste en changements climatiques, AECOM

 

Organismes ayant mené le projet

AECOM pour la Ville de Saint-Sauveur

Document

 Guide des bonne pratiques

Les enseignes emblématiques : Documenter et protéger une richesse patrimoniale méconnue

Une enseigne emblématique

Souvent considérées comme de la pollution visuelle, les enseignes font davantage l’objet d’encadrement visant à réduire leur nombre, leur dimension et leur luminosité plutôt qu’à favoriser leur préservation.

 

Contexte du projet


Le retrait d’enseignes découlant de la fermeture de certaines institutions commerciales d’importance, dont le Archambault sur la rue Sainte-Catherine et la Bijouterie J. Omer Roy sur l’avenue du Mont-Royal Est, a cependant suscité l’inquiétude de nombreux citoyens et acteurs de la société civile quant à leur avenir. En effet, ces enseignes étaient devenues des points de repère pour les
résidents du quartier et ses visiteurs en raison de leur caractéristique singulière et de leur qualité esthétique.


Cette mobilisation spontanée, tout comme l’importante couverture médiatique qui s’en est suivi, démontre un changement quant aux perceptions et aux sensibilités à l’égard des enseignes et la nécessité d’avoir une réflexion sur l’importance de ce type d’objet comme élément d’intérêt patrimonial et identitaire. De cet exercice, un constat majeur s’est dégagé : les autorités municipales n’ont pas les outils pour assurer la préservation et la mise en valeur de ce patrimoine méconnu.


Dans ce contexte, l’absence de précédents dans le contexte législatif québécois a été une occasion pour l’administration municipale de Montréal d’innover en créant une méthodologie permettant de dénicher les enseignes les plus significatives et en développant une approche de conservation cohérente avec la réglementation existante.

Survol du projet


À la suite de ce constat, les arrondissements de Ville-Marie et du Plateau-Mont-Royal ont entamé une démarche de réflexion, accompagnée par la firme l’Enclume, visant à identifier et évaluer des enseignes d’intérêt patrimonial, ainsi qu’à cibler des stratégies d’encadrement règlementaire pour celles-ci.

Le caractère novateur de ce projet se décline en quatre principaux points:

  1. Repenser les valeurs patrimoniales pour un nouvel objet d’intérêt

S’il est courant dans le domaine de l’urbanisme de produire et d’analyser des études sur la valeur patrimoniale d’immeubles, les repères se font beaucoup plus rares pour guider l’évaluation de l’intérêt des enseignes commerciales. L’enseigne ayant la particularité d’être à la fois objet et message, l’approche habituelle reposant sur les valeurs artistiques, historiques, sociales et paysagères a dû être revue pour s’y adapter.

  1. L’inclusion de nouveaux types d’experts

En revisitant ainsi l’approche d’évaluation patrimoniale pour les enseignes, il est devenu impératif de développer une stratégie de recherche spécifique. Un dialogue s’est alors établi avec des experts généralement absents du domaine de l’aménagement: les enseignistes (Association Québécoise de l’Industrie de l’Enseigne) et les chercheurs du domaine de la communication. Ce dialogue a permis de générer une connaissance de base des techniques associées aux enseignes.

  1. La contribution notoire de la société civile

Étant donné que l’identification d’éléments du patrimoine repose non seulement sur une lecture d’expert, mais aussi sur la valorisation collective, il a été convenu dans le cadre de la réflexion menée par le Plateau Mont-Royal d’accorder une importance significative aux acteurs de la société civile. C’est ainsi que les organismes Héritage Montréal, Centre des Mémoires montréalaises, Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal et Mémoire du Mile End ont été sollicités dans le cadre du projet.

  1. Une utilisation inédite du règlement sur les PIIA

Du point de vue de l’encadrement réglementaire, la principale innovation amenée par la démarche concerne l’encadrement par le règlement sur les PIIA, tant par Ville-Marie que par le Plateau-Mont-Royal. D’abord, l’encadrement par le biais de ce règlement de nature discrétionnaire permet une flexibilité pour le futur des enseignes d’intérêt, qui peuvent, en fonction des valeurs sur lesquelles repose leur intérêt patrimonial, être maintenues en place et restaurées, transformées ou encore retirées de leur emplacement d’origine. La démarche a de plus amené un renouveau du regard sur la relation entre enseignes et bâtiments. Alors qu’auparavant, l’enseigne était avant tout perçu comme un élément ne devant pas porter ombrage aux composantes architecturales d’un immeuble, elles sont devenues des objets d’intérêt à mettre en valeur, et pouvant faire partie intégrante de l’intérêt d’une construction.

Les retombées

  1. Pour la collectivité

D’une part, le projet a permis, ou permettra, d’assurer la sauvegarde d’éléments méconnus de notre culture matérielle et visuelle collective. D’autre part, il a permis le développement de la connaissance d’un patrimoine émergent et une valorisation publique par la diffusion des fiches présentant les valeurs associées à chacune des enseignes. Enfin, le projet a aussi permis la mobilisation du milieu puisque, plusieurs acteurs de la société civile (organismes de sensibilisation et de sauvegarde du patrimoine, institution muséale, chercheurs, artisans, association professionnelle, grand public), ont contribué à la démarche.

  1. Pour les propriétaires et commerçants

En mettant de l’avant un encadrement réglementaire qualitatif et flexible, les enseignes d’intérêt, et en particulier celles associées à des établissements qui n’existent plus, sont devenues non plus des objets passifs tolérés et menacés de disparition, mais plutôt des objets «actifs», qui peuvent être mis en valeur, actualisés ou commémorés au fil de l’évolution de l’occupation commerciale
des immeubles auxquelles elles sont associées.

  1. Pour les municipalités

Enfin, le projet a aussi permis de mieux outiller les municipalités dans leur processus de prise de décision quant à la conservation ou non d’enseignes d’intérêt. En effet, la méthodologie ’identification des enseignes, leur catégorisation selon différentes typologies et techniques, la méthodologie d’évaluation et la stratégie de recherche documentaire ont permis aux instances municipales d’être mieux outillées dans la façon d’analyser cet objet et d’évaluer éventuellement l’intérêt par exemple d’enseignes trop récentes pour le moment pour être incluses dans le corpus visé par les mesures d’encadrement réglementaires, mais vouées à l’être dans l’avenir.

Urbaniste impliqué

Christophe-Hubert Joncas, Urbaniste, L’Enclume, no. 1783

Partenaires

Samuel Ferland, Urbaniste et Conseiller en aménagement, Arrondissement de Ville-Marie, no. 1456

Catherine Gingras, Urbaniste et Conseillère en aménagement, Arrondissement Le Plateau-Mont-Royal, no. 1905

Alexie Baillargeon-Fournelle, Urbaniste, L’Enclume, no. 1767

Sylvain Dubois, Urbaniste, L’Enclume, no. 649

Contact

Organisation ayant réalisé le projet

L’Enclume

5337, boulevard Saint-Laurent

Montréal, H2T 1S5

Québec, Canada

Carte

Documentation déposée

Plan communautaire global de la Nation crie de Chisasibi

Le Plan Communautaire Global (PCG) de la Nation crie de Chisasibi a même son application mobile. (Image:

Le PCG de la Nation crie de Chisasibi est un premier pas innovant vers l’amélioration des façons de faire quant à la gestion du territoire. L’exercice a permis de rassembler pour la première fois les données relatives au territoire et de clarifier la vision globale de l’aménagement.

La communauté de Chisasibi est située à l’est de la baie James à l’embouchure de la rivière La Grande où elle se développe depuis le début des années 80. Durant l’ère Bourassa, le grand potentiel hydroélectrique de La Grande fut exploité par Hydro-Québec et la Société d’énergie de la baie James. Avant la complétion du complexe La Grande, la communauté vivait sur une île nommée Fort George. L’existence de cette île fut menacée par l’érosion suite à la construction de LG-1 et LG-2 et la communauté fut entièrement relocalisée à son emplacement actuel. Elle s’est fait imposer un développement urbain où l’environnement bâti et naturel n’entretenaient plus de liens, ce qui a engendré une insatisfaction des habitants. L’exploitation a changé l’écosystème de la rivière et les impacts environnementaux sont nombreux. Pour les cris, le projet a rendu la nourriture rare et a eu un impact sur la relation culturelle avec l’environnement. De plus, depuis la construction des routes pour le développement des projets hydroélectriques, les habitudes de vie des cris ont été transformées notamment en ce qui concerne l’alimentation, l’activité physique et l’utilisation des technologies. Ces changements sociaux et technologiques, bien qu’inévitables et présentant des avantages, ont entraîné une augmentation importante du diabète, des maladies cardiaques et de troubles psychologiques.

Aujourd’hui, Chisasibi connaît une croissance énorme. Plusieurs projets structurants sont prévus pour 2021 comme le développement de nouveaux secteurs et l’implantation d’un hôpital régional. Aucune planification territoriale globale n’était disponible pour coordonner le développement. La communauté a profité de la dynamique pour adresser des besoins importants et planifier son déploiement selon une approche adaptée à leur structure organisationnelle.

Contexte du projet

Ce projet suit la démarche du Plan communautaire global (PCG) et adresse les aspects logistiques du développement à sa propre manière. Le caractère novateur repose dans la méthodologie développée. Un PCG est un plan d’action communautaire. Il sert de feuille de route à long terme permettant à la communauté d’avancer en termes de gouvernance, du territoire et des ressources, de la santé, de la préservation de la culture et des traditions, du développement social et économique, du développement des infrastructures et du renforcement des capacités. Ce PCG vise également à adapter les approches de planification aux contextes nordiques et aux structures de gouvernance indépendantes.

Pour devenir un véritable vecteur, le plan favorise donc les actions concrètes. Pour chacune des thématiques soulevées, des objectifs sont formulés. Certains de ces objectifs sont immédiatement traduits en interventions sur le territoire à travers les plans de développement de la communauté. Les interventions sont réfléchies selon la distribution des infrastructures actuelles et l’optimisation des financements et des ressources. Les objectifs restants sont adressés dans le plan d’action qui permet à la communauté de prioriser les études, les modifications règlementaires et les programmes à développer pour poursuivre l’intégration des besoins. D’autant plus, il est souvent difficile de contrôler la mise en œuvre d’un document de planification puisqu’elle concerne différents acteurs au sein d’une organisation. C’est pourquoi la conception du PCG a été axée sur la collaboration entre les parties prenantes.

L’équipe a travaillé régulièrement avec la communauté, les représentants des départements internes, les ingénieurs et les responsables des infrastructures pour valider la faisabilité de chaque intervention proposée. Cette méthode permet de s’assurer que les objectifs sont réalistes et réalisables. Puisque les parties prenantes ont pris part à l’élaboration du plan, il est plus facile pour tous d’avoir une même compréhension de la vision globale et des actions spécifiques. D’ailleurs, l’une des préoccupations majeures du PCG était de fournir un outil de travail efficace pour la communauté, tout en étant un outil de communication. Il s’agit d’établir une structure de travail qui peut être maintenue dans le temps et avec les multiples acteurs oeuvrant sur le territoire. Ainsi, le document a été transformé en une application mobile accessible sur Internet. L’application offre un retour sur le contexte et une carte interactive en ligne fournissant des informations sur les projets de la communauté, les infrastructures et les services, l’utilisation du sol, les parcs, les points d’intérêt, etc. Cet outil est une innovation importante pour Chisasibi qui permettra à chaque partie prenante d’avoir accès en tout temps à l’information pouvant affecter le travail à effectuer ainsi qu’à coordonner les activités sur le territoire.

Comment faire?

Le projet a obtenu le support unanime du Conseil de Chisasibi. Le Conseil a souligné l’utilité du document, non seulement pour coordonner les projets sur le territoire et optimiser leurs efforts, mais aussi pour négocier leurs besoins de financement avec les autorités gouvernementales concernées. En effet, les communautés dépendent largement de programmes de financement et doivent appuyer chaque demande soumise. Le travail analytique leur permet de vulgariser leurs besoins. Les plans de développement et de phasage leur permettent de démontrer la planification des investissements. Ce PCG regroupe ainsi en quelque sorte la planification urbaine, la planification stratégique et la planification des immobilisations. La structure de planification qui précédait à Chisasibi était principalement axée sur le financement.

Un plan d’investissement quinquennal est préparé tous les cinq ans et présente des projets à court terme. La budgétisation annuelle découle de celui-ci et sert à recevoir les financements annuels qui doivent être dépensés avant la fin de l’entente de financement. Aucune planification urbanistique n’était disponible et les projets étaient réfléchis en silos. Pour le futur, le PCG permet à la communauté de renverser la structure de planification. En effet, les besoins, la localisation des projets et la planification des secteurs ont été planifiés sur un horizon de 20 ans. La communauté peut ainsi déployer les actions à réaliser à travers leur budgétisation de manière beaucoup plus efficace. Notamment, le phasage inclut une distribution annuelle de la pénurie en logement leur permettant d’illustrer leurs besoins criants et d’adopter une stratégie de gestion de la crise. Il s’agit d’un modèle bénéfique pouvant être reproduit pour l’ensemble des communautés ayant des modèles de gestions propres à elles. L’apprentissage repose sur une compréhension des réalités logistiques des communautés pour leur donner des outils concrets leur permettant de progresser.

Des résultats probants

Comme démontré, le PCG de la Nation crie de Chisasibi est un premier pas innovant vers l’amélioration des façons de faire quant à la gestion du territoire. L’exercice a permis de rassembler pour la première fois les données relatives au territoire et de clarifier la vision globale de l’aménagement. Le diagnostic est maintenant un outil servant à appuyer la communauté dans la vulgarisation de leurs besoins en financement, mais aussi des éléments dont les parties prenantes doivent tenir compte lorsqu’ils sont impliqués dans la communauté. Or, la connaissance de la situation actuelle n’est souvent pas maitrisée par l’ensemble des acteurs externes. Ensuite, l’application mobile développée transforme complètement le relais de l’information au sein de la communauté, de l’organisation et des parties prenantes. Elle permet à tous d’avoir accès en tout en temps à l’information pertinente à chaque projet.

Notons que l’isolement de la communauté force à engager une multitude de consultants externes et les départements sont sollicités répétitivement pour partager des PDF ou des plans éparpillés, ce qui représente une perte de temps et de ressources. D’autant plus, au sein de l’organisation, il est plus difficile de connaitre l’information qui relève d’une autre direction. De cette façon, une vision globale est également maintenue à tous les niveaux. En ce qui concerne les plans de développement et de phasage qui ont été conçus, ils servent à structurer les financements et les projets à long terme. En effet, en raison du contexte, les projets doivent suivre les infrastructures disponibles, c’est-à-dire que les infrastructures disponibles doivent être optimisées avant d’ouvrir de nouveaux secteurs. En faisant un phasage qui suit la capacité des infrastructures, la planification permet d’intégrer les projets structurants ainsi que les besoins au sein de quartiers mixtes, pouvant accueillir des projets variés tout en demeurant cohérant.

Comme expliqué plus tôt, le plan permet ainsi d’inverser la structure de planification dans la communauté et d’être proactif plutôt qu’en réaction aux financements accordés. Cette approche résulte de la méthodologie adoptée pour compléter le plan. L’implication des départements et des ingénieurs tout au long du processus de planification a permis de proposer des actions dont la faisabilité est validée. D’ailleurs, ceci permet de lier la planification aux étapes de mise en œuvre et d’assurer une perméabilité entre les efforts. Les parties prenantes ayant participé de près à la planification, elles sont outillées pour appliquer les actions sur le territoire selon les enjeux. Rappelons aussi que le plan se veut une feuille de route se concentrant sur des actions concrètes relevant de thématiques variées organisées selon des plans de développement ou un plan d’action. Il regroupe ainsi en quelque sorte la planification urbaine, la planification stratégique et la planification des immobilisations et devient un outil de travail pour le Conseil et la communauté. Somme toute, le PCG de la Nation crie de Chisasibi vient réellement retourner la planification du territoire dans la communauté «?sur un dix cents?».

Urbaniste impliqué

Haya Hatab, urbaniste-stagiaire, groupe BC2.

Partenaires

Thomas Washipabano, Directeur général, Nation crie de Chisasibi

Contact

Organisation ayant réalisé le projet

Nation Crie de Chisassibi

150-1 Riverside Drive,

Chisasibi, J0M1E0

Québec, Canada

Carte

Documentation déposée