Les enseignes emblématiques : Documenter et protéger une richesse patrimoniale méconnue

Une enseigne emblématique

Souvent considérées comme de la pollution visuelle, les enseignes font davantage l’objet d’encadrement visant à réduire leur nombre, leur dimension et leur luminosité plutôt qu’à favoriser leur préservation.

 

Contexte du projet


Le retrait d’enseignes découlant de la fermeture de certaines institutions commerciales d’importance, dont le Archambault sur la rue Sainte-Catherine et la Bijouterie J. Omer Roy sur l’avenue du Mont-Royal Est, a cependant suscité l’inquiétude de nombreux citoyens et acteurs de la société civile quant à leur avenir. En effet, ces enseignes étaient devenues des points de repère pour les
résidents du quartier et ses visiteurs en raison de leur caractéristique singulière et de leur qualité esthétique.


Cette mobilisation spontanée, tout comme l’importante couverture médiatique qui s’en est suivi, démontre un changement quant aux perceptions et aux sensibilités à l’égard des enseignes et la nécessité d’avoir une réflexion sur l’importance de ce type d’objet comme élément d’intérêt patrimonial et identitaire. De cet exercice, un constat majeur s’est dégagé : les autorités municipales n’ont pas les outils pour assurer la préservation et la mise en valeur de ce patrimoine méconnu.


Dans ce contexte, l’absence de précédents dans le contexte législatif québécois a été une occasion pour l’administration municipale de Montréal d’innover en créant une méthodologie permettant de dénicher les enseignes les plus significatives et en développant une approche de conservation cohérente avec la réglementation existante.

Survol du projet


À la suite de ce constat, les arrondissements de Ville-Marie et du Plateau-Mont-Royal ont entamé une démarche de réflexion, accompagnée par la firme l’Enclume, visant à identifier et évaluer des enseignes d’intérêt patrimonial, ainsi qu’à cibler des stratégies d’encadrement règlementaire pour celles-ci.

Le caractère novateur de ce projet se décline en quatre principaux points:

  1. Repenser les valeurs patrimoniales pour un nouvel objet d’intérêt

S’il est courant dans le domaine de l’urbanisme de produire et d’analyser des études sur la valeur patrimoniale d’immeubles, les repères se font beaucoup plus rares pour guider l’évaluation de l’intérêt des enseignes commerciales. L’enseigne ayant la particularité d’être à la fois objet et message, l’approche habituelle reposant sur les valeurs artistiques, historiques, sociales et paysagères a dû être revue pour s’y adapter.

  1. L’inclusion de nouveaux types d’experts

En revisitant ainsi l’approche d’évaluation patrimoniale pour les enseignes, il est devenu impératif de développer une stratégie de recherche spécifique. Un dialogue s’est alors établi avec des experts généralement absents du domaine de l’aménagement: les enseignistes (Association Québécoise de l’Industrie de l’Enseigne) et les chercheurs du domaine de la communication. Ce dialogue a permis de générer une connaissance de base des techniques associées aux enseignes.

  1. La contribution notoire de la société civile

Étant donné que l’identification d’éléments du patrimoine repose non seulement sur une lecture d’expert, mais aussi sur la valorisation collective, il a été convenu dans le cadre de la réflexion menée par le Plateau Mont-Royal d’accorder une importance significative aux acteurs de la société civile. C’est ainsi que les organismes Héritage Montréal, Centre des Mémoires montréalaises, Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal et Mémoire du Mile End ont été sollicités dans le cadre du projet.

  1. Une utilisation inédite du règlement sur les PIIA

Du point de vue de l’encadrement réglementaire, la principale innovation amenée par la démarche concerne l’encadrement par le règlement sur les PIIA, tant par Ville-Marie que par le Plateau-Mont-Royal. D’abord, l’encadrement par le biais de ce règlement de nature discrétionnaire permet une flexibilité pour le futur des enseignes d’intérêt, qui peuvent, en fonction des valeurs sur lesquelles repose leur intérêt patrimonial, être maintenues en place et restaurées, transformées ou encore retirées de leur emplacement d’origine. La démarche a de plus amené un renouveau du regard sur la relation entre enseignes et bâtiments. Alors qu’auparavant, l’enseigne était avant tout perçu comme un élément ne devant pas porter ombrage aux composantes architecturales d’un immeuble, elles sont devenues des objets d’intérêt à mettre en valeur, et pouvant faire partie intégrante de l’intérêt d’une construction.

Les retombées

  1. Pour la collectivité

D’une part, le projet a permis, ou permettra, d’assurer la sauvegarde d’éléments méconnus de notre culture matérielle et visuelle collective. D’autre part, il a permis le développement de la connaissance d’un patrimoine émergent et une valorisation publique par la diffusion des fiches présentant les valeurs associées à chacune des enseignes. Enfin, le projet a aussi permis la mobilisation du milieu puisque, plusieurs acteurs de la société civile (organismes de sensibilisation et de sauvegarde du patrimoine, institution muséale, chercheurs, artisans, association professionnelle, grand public), ont contribué à la démarche.

  1. Pour les propriétaires et commerçants

En mettant de l’avant un encadrement réglementaire qualitatif et flexible, les enseignes d’intérêt, et en particulier celles associées à des établissements qui n’existent plus, sont devenues non plus des objets passifs tolérés et menacés de disparition, mais plutôt des objets «actifs», qui peuvent être mis en valeur, actualisés ou commémorés au fil de l’évolution de l’occupation commerciale
des immeubles auxquelles elles sont associées.

  1. Pour les municipalités

Enfin, le projet a aussi permis de mieux outiller les municipalités dans leur processus de prise de décision quant à la conservation ou non d’enseignes d’intérêt. En effet, la méthodologie ’identification des enseignes, leur catégorisation selon différentes typologies et techniques, la méthodologie d’évaluation et la stratégie de recherche documentaire ont permis aux instances municipales d’être mieux outillées dans la façon d’analyser cet objet et d’évaluer éventuellement l’intérêt par exemple d’enseignes trop récentes pour le moment pour être incluses dans le corpus visé par les mesures d’encadrement réglementaires, mais vouées à l’être dans l’avenir.

Urbaniste impliqué

Christophe-Hubert Joncas, Urbaniste, L’Enclume, no. 1783

Partenaires

Samuel Ferland, Urbaniste et Conseiller en aménagement, Arrondissement de Ville-Marie, no. 1456

Catherine Gingras, Urbaniste et Conseillère en aménagement, Arrondissement Le Plateau-Mont-Royal, no. 1905

Alexie Baillargeon-Fournelle, Urbaniste, L’Enclume, no. 1767

Sylvain Dubois, Urbaniste, L’Enclume, no. 649

Contact

Organisation ayant réalisé le projet

L’Enclume

5337, boulevard Saint-Laurent

Montréal, H2T 1S5

Québec, Canada

Carte

Documentation déposée